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Le Valromey, en long, en large, avec Yann - jecours.fr

C'est l'histoire d'un mec, Yann qu'il s'appelle, qui aime courir, et qui propose un parcours vers chez lui, le Valromey, que ça s'appelle... Le Valromey ? hein ? ouai, c'est dans l'Ain. Naaaan, ça existe, ça ? Ouaiiiiiiii heuuuu, ça doit être tout plat ?! Y a vraiment de la montagne là bas ?

23 juillet 2016: Ultra tour du Beaufortain. Lors des premiers kilomètres, alors que je taille une bavette avec Benman, un coureur alentour profite d'un moment de reprise de respiration pendant ma narration de mes petits tracas d'organisateur de off "raid échappée rebelle, traversée de Belledonne en 4j", pour intervenir. Il a bien noté que je participe à kikourou, et me fait part de sa déception:

Ouaiiiii heuuu, moi aussi je propose une sortie en off, j'ai un projet pour faire découvrir ma région, et tout çaaaa, et j'ai posté sur kikourou, et heuuuu, personne n'a répondu, et puis voilààààà

Alors, forcément, je tends l'oreille, et je lui en demande plus. Je retiens une information primordiale: tout est sur jecours.fr.

Revenu de l'UTB, je relance le fil de discussion sur kikourou, qui avait eu peu de succès depuis les derniers échanges (fin août 2015 - tout début janvier, c'est pas si surprenant), et j'en parle, je ne sais plus quand, au grand JuCB, certainement lors d'une discussion sur les trails de fin d'année auxquels ont ira pas (pas fou !), genre boulieu ou saintélyon. Bref, peut importe les détails, mais ça accroche, on est rejoints par quelques autres kikous (qui ne pourront malheureusement pas tous participer, finalement), la machine est lancée, ce sera le 10 décembre (le premier week-end que j'ai de libre à cette période, juste après l'Origole 55km, déjà programmée).

Mais pour quoi, exactement ? Normalement, si t'es curieux, cher lecteur, t'as déjà cliqué sur le lien vers le site de Yann. Mais bon, t'as peut être pas tout lu. Comment ça, nous non plus ? :D

En gros, Yann propose un 100km ou un 147km sur des sentiers qu'il connaît par cœur. Il accompagne en partie en courant, sinon en voiture, afin d'avoir un contrôle du parcours et un point ravito régulier. Sur le papier ça semble cool, allons y !

Samedi 10 décembre. Je ne vais pas me prononcer pour les autres, mais en ce qui me concerne, j'arrive comme un touriste. J'ai oublié la moitié de mes affaires de trail chez Elena, j'ai pas de montre GPS, seulement le GPX foutu sur le smartphone la veille au soir. J'ai jeté des affaires et des restes de bouffe dans un grand sac, et fais juste un passage au boucher pour du jambon et des grattons lyonnais (le gras, c'est la vie). J'ai la crève depuis le mardi, et l'origole, de finalement 110km, le week-end précédent, m'a laissé deux orteils défoncés. On verra bien (comment ça, "déja vu / lu" ? :-D).

6h du mat' (enfin 6h13 environ), JuCB et moi même arrivons. Yann est bien sur déjà là, accompagné de Fredou, coureur ayant déjà parcouru 110km du projet de Yann, en septembre. 6h40 environ, Manu se pointe enfin: la technique efficace pour anéantir la concurrence: arriver chaud quand les autres t'attendent depuis 20mn à poil dehors par 1° :-D

Yann nous briefe sur le début du parcours. J'avoue avoir l'oreille assez distraite, car j'aime bien découvrir au fur et à mesure. Fredou connaît le parcours, ça aidera pour le repérage, et il est équipé au poignet.

Petite signature d'une décharge de responsabilité - Yann ne se revendique pas organisateur mais plutôt entremetteur, et de toute façon nous allons nous balader là haut en petites personnes responsables, c'est bien normal - et nous voilà partis vers l'infini et au delà... A bon rythme, pour se réchauffer. En effet, "ça meule sa mère".

Nous passons devant la maison de Yann, où sa femme prend une photo et nous encourage ! Déjà, là, on est bluffés. On a un public à 7h du mat' un samedi de décembre. YSONTFOUS !

Yann nous rejoint en sens inverse un peu plus loin, nous accompagne un moment, pour nous montrer le bon chemin (et pour courir, avec nous, également, bien entendu).

Première montée au géant du massif, le Grand Colombier. Peu impressionnant de par son altitude (1534m), il est surtout connu pour son col difficile à franchir pour les cyclistes (et a notamment été point de passage du Tour de France), mais offre un superbe panorama sur les Alpes et le Jura et une ligne de crête très sympathique. Mais nous y reviendrons.

Yann nous laisse donc dans le chemin des chèvres et nous indique où nous le retrouverons. Les deux bolides Manu et Julien enclenchent la 5ème et foncent dans la pente. Je les suis - moi aussi j'aime bien me crever dès le départ, et puis j'ai ma fierté, faut pas qu'on dise que l'origole m'empêche de grimper ! :-D, Fredou force un peu aussi mais est un peu derrière. Nous attendons régulièrement un petit peu pour pas que l'écart soit trop important. Nous découvrons ensemble le lever du soleil sur la vallée givrée, et les massifs, un peu plus loin, de l’Épine et des Bauges.

C'est mignon tout plein, et certains passages sont même particuliers. Je pense notamment à un endroit sous la Roche Percée - qui forme une arche au dessus du chemin - où des lichens et mousses sur tous les arbres amènent une drôle d'ambiance... J'aimerai y retourner pour y faire de la photographie.

Les deux zigotos continuent leur ascension éclair, en discutant. J'arrive à tenir le rythme. Puis cessent de discuter, je perds alors du terrain. Nous nous arrêtons un peu avant le point haut, pour attendre Fredou, complètement lâché. Il nous apprend en nous rejoignant qu'il souffre du tendon d’Achille. Aie... Une vieille tendinite qui revient.

En haut, il nous laisse continuer sur le parcours prévu pour couper au plus court, afin de retrouver le lieux de rendez-vous avec Yann sans remonter une seconde fois. Manu, Julien et moi nous engageons alors dans la descente, dans une combe, sur une sente à peine tracée plutôt qu'un réel chemin, au début. C'est vraiment très agréable, et Julien se lâche. De mon côté, je laisse le frein à main, car je ne suis pas certain de la réaction de mes gros orteils, qui ont subit à chaque descente quelques jours plus tôt.

Nous croisons de nombreux chasseurs, qui à défaut d'être absents sont courtois. En bas, Yann nous retrouve et nous remontons ensemble vers le sommet du Grand Colombier, sur un large chemin à pente raisonnable. C'est bien moins plaisant, mais je pense surtout au ravito. km 22 ou 24, quelque chose comme ça... ça commence à faire faim. Et soif.

Ah, Fredou ! La voiture de Yann ! Ravitoooooo ! Il fait très beau, il semble même que la température soit au top... Nous prenons un peu notre temps. Nous nous refroidissons tout de même pas mal. Mais la bonne pause fait du bien. Fredou nous annonce qu'il s'arrête là, il ne veut pas aggraver son problème de tendon.

Pas le temps de s'éterniser non plus, j'ai pas sorti les grattons et j'ai à peine bouffé le minima social que Ju sort sa petite phrase "oh seb, va falloir y aller si on veut boucler les 147km"... Vas y fais ton malin... J'en oublie de boire, et je repars avec ma seule flasque de 500mL remplie... J'en ai pétée une au km3.

Nous partons pour le sommet, par le sud de la crête. Lorsque la vue se dégage, nous découvrons un panorama splendide sur le nord des Alpes du nord et le sud du Jura, et le Mont Blanc, imposant, qui dépasse au centre. Visibilité parfaite, c'est magnifique.

Entre un petit début de déshydratation et le mal de dos infligé par le poids mal réparti (les flasques sont sur les côtés sur mon sac, et je n'en ai plus qu'une...) et la crève, j'ai du mal à suivre et j'ai l'impression d'être à 3000m lorsque l'on arrive à la croix.

Heureusement nous retrouvons vite Yann et Fredou, et je peux me réhydrater lors d'un arrêt express. C'est parti pour une longue descente dans les bois. Cette fois ci je me lâche, et descend à bonne vitesse, ayant moins peur pour mes petons. Comme d'habitude, nous retrouvons Yann sur la fin de la descente, qui est venu nous chercher. Nouvel arrêt ravito, que l'on fait rapide. C'est l'occasion de sortir le Cognac et l'Absinthe pour qui veut se changer le goût dans la bouche.

Nous disons au revoir à Fredou qui va rentrer se réchauffer, et repartons à l'assaut de la crête du Grand Colombier pour la 3ème fois, après avoir donné notre véto à un petit détour prévu dans le parcours de Yann, qui propose des arrêts culturels. Il s'agit ici d'une "curiosité géologique", qui se trouve à 5km... de bitume. Aucun de nous n'est chaud pour ce terrain: la culture attendra une sortie en vélo !

Nous remontons le long d'une gorge (profonde !) et passons le long d'une grotte. J'ai oublié le nom du mec connu qui a donné le nom à cette cavité, mais j'ai retenu qu'il y avait dans ces parage une chartreuse autrefois. Ah, la Chartreuse... :-)

Yann nous rejoint, à rebrousse chemin comme à l’accoutumée, et nous accompagne de nouveau jusqu'à sa voiture. 16h30, au soleil. Il est temps de faire un dernier ravito correct, car on se doute qu'une fois la nuit tombée, nous allons morfler. L'occasion de tomber une bouteille de bière et de tester la prune maison de Julien, et de faire découvrir les grattons lyonnais à Yann.

Le soleil tombe vite et nous nous sommes encore refroidis. Brrr. Le prochain segment est annoncé d'environ 11km. J'enfile alors un second tshirt, manches longues. Ju et Manu changent aussi, et nous sortons les frontales. La partie frigo est lancée.

C'est aussi la partie roulante qui commence. Étonnamment, ça se passe plutôt très bien pour moi. A discuter avec Manu, alors que Ju le champion à du mal à appuyer sur le champignon sur le (faux) plat, ni l'ennui ni la difficulté de courir ne se font ressentir.

C'est qu'entre sujets sérieux, notamment le Grand Raid 73 auquel il faut participer (Aller, aller ! on s'inscrit ! Un beau trail dans les Bauges organisé par des bénévoles passionnés, à la bonne franquette !), et beaucoup moins (comme mes conneries en solo), on en a des choses à dire !

J'ai un peu oublié les péripéties des parties de nuit, mais ce dont je me souviens, c'est que nos pauses ravito sont express. Pas de temps de traîner, nous gelons sur place dès que l'on s'arrête. La température descend jusqu'à -3° sur le tableau de bord de la voiture de Yann, mais nous passons parfois dans des nappes d'air plus froides encore, ou plus humides, qui donnent un ressenti démentiel. Il faut jouer constamment avec le coupe vent et les manches, pour éviter d'avoir trop chaud dans les endroits chauds/secs, et trop froid dans les endroits trop froids/humides, qui font le yoyo tout au long du parcours.

Nous traversons un alpage en cuvette de la crête, qui fait demie tour en arc de cercle, et remontons de l'autre côté. C'est paisible, les étoiles et la lune sont de sortie.

Aux Plans d'Hotonnes, ravito "prune express", et nous repartons avec Yann pour une nouvelle bouclette vers un col. Le chemin est large et régulier, bien blanc. Nous éteignons les frontales et profitons de l'éclairage de la lune.

Prochain RDV avec Yann, une dizaine de km. Nous enquillons encore bien. Mais soudainement je suis pris d'une gêne / légère douleur sur le devant de la jambe droite (au niveau de l'extenseur commun des orteils, a priori). Pas de quoi appeler le PGHM bien sur, mais je me met à la marche, prenant ce signal d'alerte au sérieux. Je n'ai pas envie de me blesser.

Malheureusement Ju et Manu restent avec moi et la réduction de vitesse n'est pas facile à supporter, ils se refroidissent.

Nous arrivons enfin au point de RDV, mais le chemin arrive directement, et sans contournement possible, sur une route "propriété privée", qui passe devant un bâtiment,d'où sortent deux personnes, alertées par les aboiement des nombreux chiens...

Deux gros connards, chasseurs de leur état, qui nous agressent verbalement car "la route est privée", eux ils "chassent ici", et nous faisons "fuir le gibier". 20h30, ils ont peut être 3g dans le sang, mais j'ai pas envie de vérifier leur haleine. Julien, qui s'était avancé prévenant avec courtoisie en éteignant sa frontale et engageant la conversation, et Manu, tentent de palabrer. Devant la mauvaise foi et l'attitude agressive et délirante des deux têtes de con, je comprends que parler ne servira un rien, et leur lance un "bonne nuit" au ton définitif en reprenant ma route, ce qui fort heureusement a l'effet de libérer également mes deux camarades du joug de ces buteurs de gibier.

Bon, sur la bonne quinzaine de chasseurs rencontrés dans la journée, une douzaine étaient courtois. Il fallait bien deux spécimens pour contrebalancer. Deux caricatures vivantes.

Pour moi, c'est pause forcée. Je n'abdique pas encore complètement mais j'expose mon problème à Yann et reste avec lui au chaud dans la voiture pendant que les deux avions repartent pour une dizaine de bornes. Je vais me reposer un peu, et voir si ça passe. C'est sûrement une petite contracture, le corps me signifiant qu'il faut que je stoppe si je ne veux pas me blesser. La pause suffira t-elle ? Je repartirai trottiner avec Yann pour aller chercher les zavions dans une petite heure.

C'est l'occasion de discuter un peu plus avec Yann, tout en me ravitaillant un peu plus copieusement.

Lorsque nous repartons à contresens, une petite demie heure avant l'heure escomptée d'arrivée de nos deux coureurs, j'ai un aperçu des chocs thermiques que Yann s'est envoyé toute la journée. Brrrr.

Pour moi, c'est la fin. La gêne est là et en trottinant sur le bitume je sens bien que ma foulée est modifiée, je boitille un peu. Ju et Manu, frigorifiés, stoppent également, laissant tomber l'objectif minimum de 100km. Faut dire que par une telle météo, ce n'est pas simple.

Yann nous ramène au parking et nous débriefons pendant le trajet. Malgré l'arrêt prématuré de la balade nous sommes tous super content et nous en avons eu dans les pattes et les yeux !

Au final, j'aurai fait environ 75 bornes (3700m D+), Julien et Manu 87km, et Yann une 50aine par petits morceaux. Je pense que nous avons été un poil ambitieux d'envisager cette distance un 10 décembre, et ce malgré tout des conditions météo parfaites (pas de neige, pas de précipitations, terrain sec...), et nous avons négligé la gestion du froid dans notre préparation des ravitaillements. Il aurait fallu avoir du chaud, de la soupe ou du thé en thermos, et des "pack ravito à emporter", tout prêt, à manger en route.

Pour faire pas mal de sorties longues en solo (de plus de 8h, parfois plus de 12h dans des conditions similaires ou plus difficiles), je réalise à quel point l'assistance / accompagnement de Yann est un confort énorme. Sa présence a été totalement dingue. ça l'était sur le papier, mais s'est en le vivant que l'on s'en rend réellement compte. De 6h à 23h, Yann a couru avec nous ou nous a apporté une aide incroyable, toujours avec un sourire et une gentillesse déconcertants.

jecours.fr, un projet unique en son genre par un mec en or ! Merci Yann !

Le seul point qui me pose question, est une considération écologique lié à l'usage de la voiture, qui est forcément importante dans un projet comme celui ci. J'espère bien pouvoir retourner la pareille à Yann un de ces jours sur mes propres terrains de jeux (certainement dans une organisation un peu différente, mais dans le même esprit !). Et toi, lecteur, tu "offes" ?

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